Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/119

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qui avoit de l’esprit, s’attacha à cette Léonore, et lui rendit tant de petits soins qu’elle se résolut à l’épouser. Elle déclara son intention à la Reine, qui n’avoit garde de ne la pas approuver. Ainsi ils se marièrent, quoique le Roi en eût fait difficulté assez long-temps.

Henri IV ayant été assassiné, ce fut alors que le pouvoir de la Léonore parut tout de bon ; elle mit son mari si bien avec la Reine, que cette princesse leur laissoit faire tout ce qu’ils vouloient[1]. Quant à lui, c’étoit un grand homme, ni beau ni laid, et de mine assez passable ; il étoit audacieux, ou pour mieux dire insolent. Il méprisoit fort les princes ; en cela il n’avoit pas grand tort. Il étoit libéral et magnifique, et il appeloit assez plaisamment ses gentilshommes suivants : Coglioni di mila franchi. C’étoient leurs appointements. On ne l’a pas tenu pour vaillant. Il eut querelle avec M. de Bellegarde, qui avoit prétendu à être galant de la Reine-mère, et il se sauva à l’hôtel de Rambouillet, car M. de Rambouillet étoit de ses amis, pour de là tenir la campagne ; il monta au deuxième étage, et se fit découdre sa fraise par une fille qui avoit été à sa femme. Cette fille a rapporté qu’il étoit extraordinairement pâle. On ne sait pourquoi il quittoit sa fraise, si ce n’étoit peut-être pour n’être point reconnu par ceux que la Reine avoit envoyés après lui. Ils furent raccommodés.

Il n’a jamais logé dans le Louvre, mais il couchoit

  1. Toutes les médisances qu’on en a faites sont publiques. Un jour, comme la Reine-mère disoit : « Apportez-moi mon voile ; » le comte du Lude, grand-père de celui d’aujourd’hui, dit en riant : « Un navire qui est à l’ancre n’a pas autrement besoin de voiles. » (T.)