Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/14

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pas que d’en être terriblement parfumée. Le feu Roi[1], pensant faire le bon compagnon, disoit : « Je tiens de mon père, moi, je sens le gousset. »

Je pense que personne n’a approuvé la conduite d’Henri IV avec la feue Reine-mère, sa femme, sur le fait de ses maîtresses ; car que madame de Verneuil fût logée si près du Louvre[2], et qu’il souffrît que la cour se partageât en quelque sorte pour elle, en vérité il n’y avoit en cela ni politique, ni bienséance. Cette madame de Verneuil étoit fille de ce M. d’Entragues qui épousa Marie Touchet, fille d’un boulanger d’Orléans[3], et qui avoit été maîtresse de Charles IX. Elle avoit de l’esprit, mais elle étoit fière, et ne portoit guère de respect, ni à la Reine, ni au Roi. En lui parlant de la Reine, elle l’appeloit quelquefois votre grosse banquière, et le roi lui ayant demandé ce qu’elle eût fait si elle avoit été au port de Nully (ou Neuilly) quand la Reine s’y pensa noyer[4] : « J’eusse crié, lui dit-elle : La Reine boit. »

Enfin le Roi rompit avec madame de Verneuil ; elle se mit à faire une vie de Sardanapale ou de Vitellius : elle

  1. Louis XIII.
  2. À l’hôtel de la Force. (T.) Cet hôtel, ainsi que celui de Longueville, avoit été construit près du Louvre, sur le terrain de l’ancien hôtel d’Alençon. (Jaillot, Recherches sur Paris, quartier du Louvre, p. 55.) L’ancien palais du roi de Sicile n’a pris le nom d’hôtel de la Force que sous Louis XIV. (Ibid., quartier Saint-Antoine, p. 119.)
  3. Brantôme a prétendu que Marie Touchet étoit fille d’un apothicaire d’Orléans ; mais suivant Le Laboureur, dans les Additions sur les Mémoires de Castelnau, et Dreux du Radier, dans les Reines et Régentes, le père de Marie Touchet auroit été lieutenant particulier au bailliage d’Orléans.
  4. Cet événement arriva le 9 juin 1606. (Mercure françois, tom. I, fol. 107.)