Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/13

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gants, et ce fut pour cela qu’il ne fit pas appeler M. de Vendôme Alexandre, de peur qu’on ne dît Alexandre le Grand, car on appeloit M. de Bellegarde M. le Grand[1], et apparemment il y avoit passé le premier. Le Roi commanda dix fois qu’on le tuât[2], puis il s’en repentoit quand il venoit à considérer qu’il la lui avoit ôtée ; car Henri, voyant danser M. de Bellegarde et mademoiselle d’Estrées ensemble, dit : « Il faut qu’ils soient le serviteur et la maîtresse[3]. »

Henri IV a eu une quantité étrange de maîtresses ; il n’étoit pourtant pas grand abatteur de bois ; aussi étoit-il toujours cocu. On disoit en riant que son second avoit été tué. Madame de Verneuil l’appela un jour Capitaine bon vouloir ; et une autre fois, car elle le grondoit cruellement, elle lui dit que bien lui prenoit d’être roi, que sans cela on ne le pourroit souffrir, et qu’il puoit comme charogne. Elle disoit vrai, il avoit les pieds et le gousset fins[4] ; et quand la feue Reine-mère coucha avec lui la première fois, quelque bien garnie qu’elle fût d’essences de son pays, elle ne laissa

  1. À cause de sa charge de grand-écuyer.
  2. Un jour M. de Praslin, capitaine des gardes-du-corps, depuis maréchal de France durant la régence, pour empêcher le Roi d’épouser madame de Beaufort, lui offrit de lui faire surprendre Bellegarde couché avec elle. En effet, il fit lever le Roi une nuit à Fontainebleau ; mais quand il fallut entrer dans l’appartement de la duchesse, le Roi dit : « Ah ! cela la fâcheroit trop. » Le maréchal de Praslin a conté cela à un homme de qualité de qui je le tiens. (T.)
  3. L’anecdote du médecin Alibour, rapportée dans les Mémoires de Sully, rend vraisemblable le récit de Tallemant. (Voyez les Œconomies royales, tome 2, page 355 de la deuxième série des Mémoires relatifs à l’Histoire de France.)
  4. Locution du temps dont on comprend suffisamment le sens.