Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/144

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bre à Merlin à Gros-Bois dont il me donne quatre mille écus par an[1]. Je ne m’informe pas de ce qu’il y fait. » Un peu avant que de mourir, il montra à M. d’Aguvry, de qui je le sais, bon nombre de faux louis d’or qu’il confrontoit à de bons louis. Feu M. de La Vieuville, alors surintendant des finances pour la seconde fois, s’amusoit à cela avec lui.

M. d’Angoulême ne pouvoit s’empêcher de bâtir toujours quelque maisonnette ; mais il se gardoit bien d’achever Gros-Bois ; comme il n’étoit pas riche, cela l’incommodoit, et il en faisoit d’autant plus volontiers de la fausse monnoie.

Il disoit les choses fort agréablement : il contoit qu’en sa jeunesse, il étoit amoureux d’une dame, et qu’un jour la servante de cuisine, qui étoit une vieille fort malpropre, fort dégoûtante, lui ayant ouvert la porte, il prit occasion de la prier de lui être favorable et lui voulut donner quelque chose ; mais elle, en le repoussant, lui dit : « Ardez, monsieur, je ne veux point de votre argent ; il n’y a qu’un mot, c’est que madame n’en a jamais tâté que je n’aie fait l’essai auparavant, c’est comme du bouillon de mon pôt ; il faut passer par là ou par la fenêtre. » Il eut beau tourner, virer, il fallut satisfaire cette vieille souillon, et il dit qu’il détournoit le nez de peur de sentir son tablier gras.

Il demandoit à M. de Chevreuse : « Combien donnez-vous à vos secrétaires ? — Cent écus, dit M. de Chevreuse. — Ce n’est guère, reprit-il, je donne deux cents écus aux miens. Il est vrai que je ne les paie pas. »

  1. Cela ne dura guère. Il fit évader Merlin, quand on y alla. (T.)