Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/143

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mais il n’a fait toute sa vie que griveller[1] pour dépenser et non pour thésauriser. Jamais courtisan n’entendit mieux raillerie. Le cardinal de Richelieu, en lui donnant à commander un corps d’armée, eut bien la cruauté de lui dire : « Monsieur, le Roi entend que vous vous absteniez de…… » Et en disant cela il faisoit avec la main la patte de chapon rôti, lui voulant dire qu’il ne falloit pas griveller. Le bonhomme, comme vieux courtisan, au lieu de se fâcher, lui répondit en souriant et en haussant les épaules : « Monsieur, on fera tout ce qu’on pourra pour contenter Sa Majesté. »

Un jour qu’on disoit à feu Armantières, que M. d’Angoulême savoit je ne sais combien de langues : « Ma foi, dit-il, je croyois qu’il ne savoit que le narquois[2]. »

Le feu Roi lui ayant demandé combien il gagnoit par an à la fausse monnoie : « Je ne sais, Sire, répondit-il, ce que c’est que tout cela. Mais je loue une cham-

    damné à mort pour avoir trempé dans celle de d’Entragues. Henri IV commua sa peine. Il mourut à Paris le 24 septembre 1650, ayant vécu sous cinq rois, et s’étant distingué dans nombre de batailles. Ses Mémoires ont été publiés après sa mort sous le titre de Mémoires très-particuliers du duc d’Angoulême pour servir à l’histoire des règnes de Henri III et de Henri IV, 1662, in-12. Ils ont été insérés dans la Collection des Mémoires relatifs à l’histoire de France, tom. 44 de la première série.

  1. Expression familière qui se prenoit dans le sens d’un profit illicite sur des commissions dont on étoit chargé. Péréfixe, dans son Histoire de Henri IV, l’a employée plusieurs fois. (Dictionnaire de Trévoux.)
  2. Le narquois étoit le jargon que parloient entre eux les voleurs et les escrocs ; on l’appelle plus communément l’argot. (Voyez le Jargon ou le langage de l’argot réformé, dans le Recueil de facéties intitulé : les Joyeusetés, facéties et folastres imaginations de Caresmes prenant, Gauthier Garguille, etc., Paris, Techener, 1831.)