Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/156

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homme en eut une telle affliction que sur l’heure il en tomba en défaillance et s’en retourna très-mal satisfait.

Il avoit quatre-vingt-neuf ans quand il pressa plus que jamais ses enfants de le laisser remarier, alléguant que ne pouvant plus courir le cerf (il l’a couru jusqu’à quatre-vingt-six ans) et n’ayant plus d’emploi (car il en eût pris encore volontiers), il lui étoit impossible de demeurer seul à la campagne ; qu’à la cour il avoit des sujets de fâcherie (l’année auparavant il avoit été trois heures au soleil sur ses pieds à Fontainebleau, en attendant le cardinal Mazarin, et se tint un gros quart-d’heure découvert quand il passa). Il disoit que Dieu n’y seroit point offensé, et que ses enfants n’en seroient pas plus pauvres. Enfin il raisonnoit assez pour faire une seconde sottise, et nos ministres[1], qui sont de fort pauvres gens, disoient qu’il falloit mieux le laisser marier que le laisser brûler. Ma foi, je pense que c’étoient de grandes ardeurs que les siennes ! Ces vieux fous-là sont ravis du passage de saint Paul, et de pouvoir dire : Dieu n’y est point offensé, comme si le scandale n’offensoit point Dieu. Hé ! n’est-ce point une chose ridicule qu’un homme ne se puisse contenir à cet âge-là ? Pour moi, cela me scandalise, et cela est de mauvais exemple. Plusieurs vieilles femmes catholiques lui ont voulu donner de l’argent pour l’épouser, afin d’avoir le tabouret. À la vérité, c’étoient toutes femmes de la ville, qui, pour l’ordinaire, ont toutes plus d’ambition que les autres. Mais il n’y voulut jamais entendre. Il y en a qui ont

  1. Les ministres protestants de Charenton. Tallemant étoit de la religion réformée.