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drigue. On en parla pourtant sérieusement, et pendant qu’on travailloit à l’affaire, madame couchoit toutes les nuits avec le petit Clinchamp de chez Monsieur. Enfin M. de Montlouet d’Angenne, comme voisin et ami de M. le marquis de La Force, lui en donna avis, et le bon homme fut détrompé par ce moyen.

Après il pensa à une femme de trente-deux ans, veuve du fils de M. d’Arambure, le borgne, qui avoit commandé les chevau-légers de la garde d’Henri IV. Cette femme étoit riche ; et parce qu’elle n’étoit fille que d’un trésorier de Navarre[1], il vouloit qu’elle lui donnât par contrat de mariage quarante mille écus ; mais quoiqu’elle fût fort ambitieuse, elle eut assez de cœur pour ne pouvoir se résoudre à accepter un mari de quatre-vingts ans.

En second veuvage, il devint amoureux de la comtesse d’Adington[2], veuve depuis un an, aujourd’hui la comtesse de La Suze, dont nous aurons bien des choses à dire en un autre endroit. En ce dessein il en parle lui-même à la mère, madame de Châtillon, car le maréchal étoit mort. Cette dame lui remontra qu’il n’y avoit nulle proportion dans l’âge, et que cette jeune veuve pourroit être l’arrière-petite-fille de celui qui la vouloit épouser. Se voyant désespéré d’avoir la fille, il s’adressa à la mère ; elle le remercie et lui dit qu’elle avoit juré de ne se remarier jamais. Le bon

  1. M. Tallemant, père du maître des requêtes. (T.)
  2. Henriette de Coligny, petite-fille de l’amiral, avoit épousé en 1643 Thomas Hamilton, comte de Hadington. Devenue veuve après quelques années de mariage, elle contracta une nouvelle alliance avec le comte de La Suze. On a d’elle des poésies assez remarquables qui ont été publiées dans un Recueil qui en contient beaucoup de Pélisson, de mademoiselle de Scudéri et de bien d’autres.