Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/179

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« Mordieu, si vous me fâchez, je les mangerai tout entiers. Ils sont à moi, puisque je les ai faits ; j’en puis faire ce qu’il me plaira. »

Il se mettoit en colère contre les gueux qui lui disoient : « Mon noble gentilhomme, » et disoit en grondant : « Si je suis gentilhomme, je suis noble. »

Il n’étoit pas toujours si fâcheux, et il a dit de lui-même qu’il étoit de Balbut en Balbutie[1]. C’étoit le plus mauvais récitateur du monde. Il gâtoit ses beaux vers en les prononçant. Outre qu’on ne l’entendoit presque point, à cause de l’empêchement de sa langue et de l’obscurité de sa voix, avec cela il crachoit au moins six fois en disant une stance de quatre vers. C’est pourquoi le cavalier Marini disoit qu’il n’avoit jamais vu d’homme plus humide ni de poète plus sec. À cause de sa crachotterie, il se mettoit toujours auprès de la cheminée.

Il disoit à M. Chapelain, qui lui demandoit conseil sur la manière d’écrire qu’il falloit suivre : « Lisez les livres imprimés, et ne dites rien de ce qu’ils disent[2]. »

Ce même M. Chapelain le trouva un jour sur un lit de repos qui chantoit :

D’où venez-vous, Jeanne ?
Jeanne, d’où venez-vous ?


et ne se leva point qu’il n’eût achevé. « J’aimerois

  1. Ce mot n’est pas non plus rapporté dans Racan. La suite de cet alinéa y manque aussi ; mais Balzac a donné également les détails qu’il renferme.
  2. Cet alinéa et le suivant ne se trouvent pas dans la Vie par Racan.