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lui dit-il, j’ai toujours eu de quoi dîner, mais jamais de quoi rien laisser au plat[1]. »

Il donna pourtant un jour à dîner à six de ses amis. Tout le festin ne fut que de sept chapons bouillis, à chacun le sien, disant qu’il les aimoit tous également, et ne vouloit être obligé de servir à l’un la cuisse et à l’autre l’aile[2].

Pour aborder M. de La Vieuville, surintendant des finances, et lui rendre grâces de quelque chose, il s’avisa d’une belle précaution. Dès qu’on disoit à cet homme : Monsieur, je vous… il croyoit qu’on alloit ajouter demande, et il ne vouloit plus écouter. Malherbe y alla, et lui dit : « Monsieur, remercier je vous viens[3]. »

Retournons à la poésie. Il lui arrivoit quelquefois de mettre une même pensée en plusieurs lieux différens, et il vouloit qu’on le trouvât bon : « car, disoit-il, ne puis-je pas mettre sur mon buffet un tableau qui aura été sur ma cheminée ? » Mais Racan lui disoit que ce portrait n’étoit jamais qu’en un lieu à la fois, et que cette même pensée demeuroit en même temps en diverses pièces[4].

On lui demanda une fois pourquoi il ne faisoit point d’élégies : « Parce que je fais des odes, dit-il, et qu’on doit croire que qui saute bien pourra bien marcher[5]. »

Il s’opiniâtra fort long-temps à faire des sonnets ir-

  1. Omis par Racan.
  2. Omis par Racan.
  3. Omis par Racan.
  4. Omis par Racan.
  5. Omis par Racan.