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réguliers (dont les deux quatrains ne sont pas de même rime). Colomby n’en voulut jamais faire et ne les pouvoit approuver. Racan en fit un ou deux, mais il s’en ennuya bientôt ; et comme il disoit à Malherbe que ce n’étoit pas un sonnet, si on n’observoit les règles du sonnet : « Eh bien, lui dit Malherbe, si ce n’est pas un sonnet, c’est une sonnette. » Enfin il les quitta, comme les autres, quand on ne l’en pressa plus, et de tous ses disciples il n’y a eu que Maynard qui ait continué à en faire.

Il avoit aversion pour les fictions poétiques, si ce n’étoit dans un poème épique ; et en lisant une élégie de Régnier à Henri IV, où il feint que la France s’enleva en l’air pour parler à Jupiter, et se plaindre du misérable état où elle étoit pendant la Ligue, il demandoit à Régnier en quel temps cela étoit arrivé, qu’il avoit demeuré toujours en France depuis cinquante ans, et qu’il ne s’étoit point aperçu qu’elle se fût enlevée hors de sa place.

Un jour que M. de Termes reprenoit Racan d’un vers qu’il a changé depuis, où il y avoit, parlant de la vie d’un homme des champs,

Le labeur de ses bras rend sa maison prospère,


Racan lui répondit que Malherbe avoit bien dit :

Oh ! que nos fortunes prospères, etc.


Malherbe, qui étoit présent : « Eh bien, mordieu, si je fais un pet, en voulez-vous faire un autre ? »

Quand on lui montroit des vers où il y avoit des mots qui ne servoient qu’à la mesure ou à la rime, il