Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/260

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du pape. C’est ce Bagni qui étoit encore nonce ici, il n’y a que deux ans. Pour cet exploit, la Reine-mère le fit maréchal de France. Un peu devant, on n’avoit pas voulu le faire chevalier de l’Ordre. Après il alla échouer contre une hôtellerie fortifiée. Ce n’est pas un grand guerrier. Son grand-père étoit huguenot, et comme Catherine de Médicis faisoit difficulté de lui donner emploi à cause de cela, il lui fit dire que son… et son honneur n’avoient point de religion.

Il avoit été ambassadeur à Rome du temps de Paul V. Il fit assez de bruit, et le pape étant mort, ce fut par sa cabale et par ses violences que Grégoire XV fut élu. Ce pape, quand il l’alla voir, lui dit : « Vous voyez votre ouvrage, demandez ce que vous voulez : voulez-vous un chapeau de cardinal ? je vous le donnerai en même temps qu’à mon neveu. » Le marquis, étant aîné de la maison, le refusa[1]. Depuis, Bautru le voyant fort vieux, et jouer sans lunettes, lui disoit : « Monsieur le maréchal, vous avez eu grand tort, vous deviez prendre le chapeau ; ce seroit une chose de grande édification de voir le doyen du sacré collége livrer chance sans lunettes. » Il a toujours joué désordonnément. Quelquefois son train étoit magnifique ; quelquefois ses gens n’avoient pas de souliers. Comme il a l’honneur d’avoir été toujours brutal, il vouloit tout tuer, quand il avoit perdu, et encore à cette heure, il lui arrive de rompre des vitres. On dit qu’un jour ayant perdu cent mille livres, il fit éteindre chez lui une chandelle et cria fort contre son sommelier,

  1. Son aîné fut tué au siége de Laon, et lui, qui étoit nommé à l’évêché de Noyon et au cardinalat, prit l’épée ; le chapeau fut pour son cousin de Sourdis. (T.)