Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/264

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une haie le tuent et en apportent la tête au cardinal Barberin. Le maréchal jette feu et flammes. Pour l’apaiser, Julio Pezzola, qui ne faisoit pas semblant de s’être mêlé de rien, va trouver Guillet, garçon d’esprit, qui étoit au maréchal, et lui offre de lui apporter la tête des sept bandits qui avoient fait le coup, et lui dit : « Patron miò, è un povero regalato un piatto di sette teste ? Non se c’è mai servito un tale a nessun’ principe. »

Enfin, la chose alla si avant que le maréchal sortit de Rome et s’en alla à Parme, où il excita le duc de Parme, déjà fort brouillé avec le Pape, à faire tout ce qu’il fit. Dans la belle expédition qu’ils poussèrent ensemble jusque dans la campagne de Rome, j’ai ouï dire à Guillet que leurs dragons firent honnêtement de violences, et que les paysans leurs disoient : « Illustrissime signor dragon, habbiate pietà di me. » Dans les écrits que le Pape fit faire contre le maréchal, je trouve qu’il lui faisoit bien de l’honneur, car, à cause qu’il s’appeloit Annibal d’Estrées[1], on y disoit que c’étoit Annibal ad portas, et ce nom leur fit dire bien des sottises.

Le maréchal fut long-temps qu’il n’osoit revenir, car le cardinal de Richelieu n’avoit pas trop approuvé sa conduite. Enfin il fit sa paix. Le reste se trouvera dans les Mémoires de la Régence.

À l’âge de soixante-dix ans, ou peu s’en falloit, il alla voir madame Cornuel, qui, pour aller à quelqu’un, le laissa avec feu mademoiselle de Belesbat. Elle revint, et trouva le bon homme qui vouloit ca-

  1. Il s’appeloit François-Annibal. (T.)