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que par le passé, il voulut voir ce que ce fou avoit dans le ventre, et l’ayant rencontré seul, il lui demanda s’il se souvenoit qu’il lui avoit promis de le satisfaire par les voies d’honneur. Le président lui répondit en riant : « Mon brave, vous deviez me prendre au mot, cette humeur-là m’est passée ; mais si vous voulez vous battre, allez vous-en arracher un poil de la barbe à Bouteville, il vous en fera passer votre envie. »

En parlant, il disoit sans cesse à tort et à travers : « Mange mon loup, mange mon chien. » Voiture en a fait une ballade[1]. En parlant à une dame, il l’appeloit quelquefois mon petit père.

La plus grande folie qu’il ait faite, ce fut qu’étant un jour à causer avec feu M. le comte de Moret, avec lequel il se plaisoit fort, un ambassadeur d’Espagne vint visiter ce prince. « Ah ! je voudrois, dit le président, lui avoir fait un pet au nez. — Vous n’oseriez, dit le comte. — Vous verrez, » répond Chevry ; et comme l’ambassadeur faisoit la révérence gravement, le président pète dans sa main et la porte au nez de Son Excellence, qui en fit de grandes plaintes ; mais on fit passer l’autre pour un fou[2].

Il étoit de fort amoureuse manière, et faisoit si fort le coq dans son quartier, que le cardinal de La Valette y venant fort souvent voir une certaine dame, il disoit sérieusement qu’il ne trouvoit point bon que ce cardi-

  1. Nous n’avons pas trouvé cette ballade dans les Œuvres de Voiture.
  2. J’en doute. (T.) — Cette action, si elle étoit vraie, seroit digne d’Angoulevent, l’archipoète des pois pilés, ou d’un saltimbanque des boulevards.