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ayant dit cela, se tourna de l’autre côté et expira.

Notre princesse gouverna enfin son mari, et se méconnut tellement qu’elle traita avec une ingratitude étrange la reine de Bohème, sans qui elle seroit morte de faim, et qui avoit travaillé à son mariage comme si c’eût été sa fille. Mais la feue Reine-mère[1], qui étoit la plus glorieuse personne du monde, vengea un peu cette pauvre reine, car elle ne se démasqua ni pour le prince d’Orange ni pour la princesse. Il est vrai qu’elle ne traita pas trop bien cette reine même, car elle ne baisa point ses filles. La reine de Bohème en eut un dépit étrange, et ne la reconduisit que jusqu’à la porte de son antichambre. La Reine-mère fut si sottement fière, qu’à Anvers, où on la reçut admirablement bien, elle ne daigna se démasquer que dans la grande église. Ce fut pourtant elle qui fit le mariage de la princesse d’Angleterre avec le feu prince d’Orange[2]. Il est vrai qu’elle ne leur fit pas là un grand service.

Pour revenir à la princesse d’Orange, elle traita fort mal son fils, après la mort de son mari, et elle fut cause que sa belle-fille et sa fille, qu’elle avoit mariée avec l’Électeur de Brandebourg, ne se voyoient point quand elles étoient toutes deux en Hollande, car elle vouloit que l’Électrice passât la première, parce qu’un électeur est plus qu’un prince d’Orange, et n’avoit point égard à une royauté abattue, ou du moins qu’on alloit

  1. Marie de Médicis.
  2. Henriette-Marie Stuart, fille de Charles Ier, épousa Guillaume, fils de la princesse d’Orange et de Frédéric-Henri dont l’Historiette suit celle-ci. Ce prince mourut en 1650, laissant sa femme enceinte d’un fils qui régna en Angleterre sous le nom de Guillaume III.