Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/336

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le prince d’Orange, à qui on avoit écrit qu’on lui envoyoit les maréchaux de Châtillon et de Brezé pour faire ce qu’il jugeroit à propos. Lui les fit languir long-temps dans le siége, et ne se hâta point de sortir. Quand il fut joint, on prend Diest, qu’il fait traiter de rebelle, disant qu’il étoit baron de Diest. Après on va à Tillemont. Il y avoit là-dedans des vivres pour nourrir notre armée toute la campagne. M. de Châtillon, à cause de cela, fit tout ce qu’il put pour empêcher de la faire emporter d’assaut, et durant qu’ils disputoient, les Anglois d’un côté, et les François, à leur exemple, de l’autre, ces derniers la prirent de force. On saccagea tout, on vola dans les églises mêmes, et depuis, dans les libelles imprimés durant la négociation de Munster, on a reproché aux François qu’une abbesse ayant dit qu’elle étoit l’épouse de Jésus-Christ, un François avoit répondu en riant : « Eh bien, nous ferons Dieu cocu. » Il y eut en récompense un Français qui fit une action de vertu. C’est le fils d’un ministre de Sédan, nommé de Vesne. Il étoit alors secrétaire de feu M. de Bouillon. Une fille de qualité, jugeant à sa mine qu’il étoit homme d’honneur, se mit en sa protection. Il la fit marcher devant lui et la suivit le pistolet à la main. Le prince d’Orange, M. de Bouillon et autres le rencontrèrent et lui dirent en riant qu’il lui en falloit des plus belles. Il les laisse dire et la mène en lieu de sûreté. Depuis, de temps en temps, il reçoit des civilités des parens de cette fille.

Pour affamer notre armée, le prince d’Orange la fit aller à Louvain. Il avoit vingt mille hommes et nous trente mille. On ne l’attaqua point de force, exprès pour nous faire consumer nos vivres, comme il fit.