Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/337

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Tant que le cardinal de Richelieu a vécu, le prince d’Orange n’a rien voulu faire. Il y en a qui croient qu’il ne vouloit point s’exposer que son fils ne fût en âge de lui succéder. Même depuis la régence, il n’a contribué qu’en dépit de lui à nos conquêtes. Il est vrai qu’en cela il pouvoit alors être d’accord avec les États, qui craignoient de nous avoir pour voisins.

Quand ils envoyèrent leurs vaisseaux à Gravelines, ils ne croyoient pas que nous les prendrions. Pour Dunkerque, il affoiblit notre armée en nous obligeant à lui envoyer six mille hommes avec le maréchal de Gramont ; et quant à Hulst, il ne vouloit point passer si le maréchal de Gassion ne lui eût fait le chemin avec deux mille hommes. Le Sas de Gand ne fut pris qu’à cause que dix-huit ou vingt François, qui à la vérité étoient de leurs troupes, passèrent le canal à la nage, tirant un pont de jonc après eux.

Lorsqu’il fut maître du fort de la Perle, auprès d’Anvers, ceux d’Anvers se croyoient perdus. Mais les États, ou du moins la province de Hollande, ne voulut pas qu’on prît cette ville à cause d’Amsterdam, dont la rade est mal assurée, et qu’on quitteroit volontiers pour transporter tout le commerce à Anvers, comme autrefois, car l’Escaut, le long du quai d’Anvers, a soixante brasses de profondeur, au lieu que les grands vaisseaux n’approchent point plus près d’Amsterdam que de la distance qu’il y a de là au Texel, où il s’en est perdu grand nombre.

À sa dernière campagne, on lui proposa de donner le commandement à son fils. Il le fit, mais il s’en repentit aussitôt. C’étoit un grand fourbe ; mais il fit un grand pas de clerc de s’allier avec le roi d’Angleterre.