Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/342

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COCUS PRUDENTS OU INSENSIBLES.


Un président de Paris, dont on n’a jamais voulu me dire le nom, ni la cour dont il étoit président, ni même s’il vivoit ou s’il étoit mort, tant on avoit peur que je ne découvrisse qui c’est, un président donc fut averti par son clerc que sa femme couchoit avec un cavalier. « Prenez bien garde, dit-il à ce clerc, à ce que vous dites. — Monsieur, répondit l’autre, si vous voulez venir du Palais quand je vous irai quérir, je vous les ferai surprendre ensemble. » En effet, le clerc n’y manqua pas, et le mari, entré seul dans la chambre, les surprend. Il enferme le galant dans un cabinet dont il prend la clef, et retourne à son clerc. « Un tel, lui dit-il, je n’ai trouvé personne ; voyez vous-même. » Le clerc regarde et ne trouve point son cavalier. « Vous êtes un méchant homme, lui dit le président ; tenez, voilà ce que je vous dois, allez-vous-en, que je ne vous voie jamais. » Il le met dehors ; après il revient auprès du cavalier : « Monsieur, c’est ma femme qui a tort ; pour vous, vous cherchez votre fortune, allez-vous-en ; mais si je vous rattrape, je vous ferai sauter les fenêtres. » Pour sa femme, quand elle fut seule, il lui dit qu’il ne savoit pas de quoi elle pouvoit se plaindre ; qu’à son avis, elle avoit toutes les choses nécessaires. Elle pleura, elle se jeta à ses pieds, lui demanda pardon, et lui promit, à l’avenir, d’être la meilleure enfant du monde.