Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/355

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du Roi ; que si elle n’avoit point d’enfants, elle seroit toujours méprisée, et que le Roi, malsain comme il étoit, ne pouvant pas vivre long-temps, on la renverroit en Espagne ; au lieu que si elle avoit un fils du cardinal, et le roi venant à mourir bientôt, comme cela étoit infaillible, elle gouverneroit avec lui, car il ne pourroit avoir que les mêmes intérêts, étant père de son enfant ; que pour la Reine-mère, il l’éloigneroit dès qu’il auroit reçu la faveur qu’il demandoit.

La Reine rejeta bien loin cette proposition ; mais on ne voulut pas le rebuter. Le cardinal fit tout ce qu’il put pour la voir une fois dans le lit, mais il n’en put venir à bout. Il ne laissa pas d’avoir toujours quelque petite galanterie avec elle. Mais enfin tout fut rompu quand il découvrit que La Porte, un des officiers de la Reine, alloit recevoir les lettres qui venoient d’Espagne, et que le duc de Lorraine avoit parlé à elle, déguisé, au Val-de-Grâce. Il y avoit un peu de galanterie parmi. On accusoit aussi la Reine d’intelligence avec le marquis de Mirabel, ambassadeur d’Espagne. Le cardinal fit arrêter La Porte, et le garde-des-sceaux Seguier interrogea non-seulement la Reine au Val-de-Grâce, mais même il la fouilla en quelque sorte, car il lui mit la main dans son corps, pour voir s’il n’y avoit point de lettres, ou du moins y regarda-t-il, et approcha sa main de ses tétons[1]. M. de La Ro-

    fond d’un carrosse, par le milieu du Cours, son Bréviaire à la main, lui qui ne pouvoit quasi lire au grand soleil, tant il avoit la vue courte. (T.)

  1. Les Mémoires de madame de Motteville, ceux du duc de La Rochefoucauld (première partie), et ceux de La Porte, offrent beaucoup de détails sur cette affaire. Les pièces de ce singulier procès, acquises