Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/387

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quart d’heure, les ais tombent à terre. Le cardinal voyant cela, ne s’obstina plus à vouloir avoir ce secret comme il avoit fait, « parce, dit-il, qu’il n’y auroit plus rien de sûr. » Avant cela, il l’avoit fait demander à de Meuves, qui répondit qu’il ne le donneroit point, si on ne lui promettoit la vie. « Je ne la lui promettrai point, dit le cardinal ; car il lui faudroit tenir parole, et je veux qu’il meure. » En effet, il fut pendu. Voyez le plaisant scrupule ! il ne veut pas manquer de parole, et fait mourir un innocent. Un politique, ou plutôt un tyran comme lui, regarde que manquer de parole décrie, au lieu que peu de gens sauront qu’on a fait mourir cet homme injustement par ambition.

Le cardinal vouloit accommoder les religions, et méditoit cela de longue main. Il avoit déjà corrompu quelques ministres en Languedoc : ceux qui étoient mariés, avec de l’argent, et ceux qui ne l’étoient pas, en leur promettant des bénéfices. Il avoit dessein de faire faire une conférence, et d’y faire députer ceux qu’il avoit gagnés, qui, donnant les mains, engageroient le reste à faire de même. En cette intention, il jette les yeux sur l’abbé de Saint-Cyran, homme de grande réputation et de grande probité, pour le faire le chef des docteurs qui disputeroient contre les ministres. Saint-Cyran lui dit qu’il lui avoit fait beaucoup d’honneur de le croire digne d’être à la tête de tant d’habiles gens, mais qu’il étoit obligé en conscience de lui dire que ce n’étoit point la voie du Saint-Esprit, que c’étoit plutôt la voie de la chair et du sang, et qu’il ne falloit convertir les hérétiques que par les bons exemples qu’on leur donneroit. Le cardinal ne goûta nulle-