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ment cette remontrance, et ce fut la véritable cause de la prison de Saint-Cyran[1].

En Languedoc, le cardinal envoya quérir un des ministres de Montpellier, nommé Le Fauscheur, natif de Genève. Il vouloit le gagner à cause de sa réputation. Il lui envoya dix mille francs. Ce bon homme fut fort surpris. « Hé ! pourquoi m’envoyer cela ? dit-il à celui qui le lui apportoit. — M. le cardinal, dit cet homme, vous prie de prendre cette somme comme un bienfait du Roi. » Le Fauscheur n’y voulut point entendre. Le cardinal le trouva mauvais, et le pauvre ministre fut interdit fort long-temps, jusqu’à ce qu’il eût permission de prêcher à Paris. Un de ses confrères, nommé Mestrezat, rapporta dix mille écus aux héritiers d’un homme qui les lui avoit donnés en dépôt, sans qu’eux ni qui que ce soit au monde en sût rien.

Le cardinal a eu quelquefois bien autant de bonheur que de science, car, après avoir poussé M. le comte de Soissons à bout[2], il lui oppose à la vérité un bon chef, mais une très-foible armée. Lamboy n’eut pas de peine à défaire le maréchal de Châtillon. En conscience, n’importoit-il pas au moins autant au cardinal que le grand-maître eût la gloire de prendre Aire, que de battre M. le comte ? On a cru sur cela qu’il étoit assuré de le faire tuer dans le combat. C’est

  1. Jean Duvergier de Haurane, abbé de Saint-Cyran, fut mis à la Bastille le 14 mai 1638, et il mourut en 1643, peu de temps après être sorti de prison. Sa captivité fut généralement attribuée à ce qu’il n’avoit pas voulu opiner pour la nullité du mariage de Gaston avec Marguerite de Lorraine.
  2. Saint-Ibal a été cause du malheur de M. le comte, car il lui mit dans la tête de faire le fier et de terrasser le cardinal. (T.)