Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/407

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dinal, qui ne s’étoit pas bien trouvé de La Fayette, et qui voyoit bien qu’il falloit quelque amusement au Roi, jeta les yeux sur Cinq-Mars, second fils du feu maréchal d’Effiat. Il avoit remarqué que le Roi avoit déjà un peu d’inclination pour ce jeune seigneur, qui étoit beau et bien fait, et il crut qu’étant le fils d’un homme qui étoit sa créature, il seroit plus soumis à ses volontés qu’un autre. Cinq-Mars fut un an et demi à s’en défendre ; il aimoit ses plaisirs, et connoissoit assez bien le Roi ; enfin son destin l’y entraîna. Le Roi n’a jamais aimé personne si chaudement ; il l’appeloit cher ami. Au siége d’Arras, quand Cinq-Mars y fut avec le maréchal de L’Hôpital mener le convoi, il falloit que M. le Grand écrivît deux fois le jour au Roi ; et le bon sire se mit à pleurer une fois qu’il tarda trop à lui faire savoir de ses nouvelles. Le cardinal vouloit qu’il lui dît jusqu’aux bagatelles. Lui ne vouloit dire que ce qui importoit au cardinal ; leur mésintelligence commença à éclater quand M. le Grand prétendit entrer au conseil.

Le cardinal ne trouva pas bon non plus que Cinq-Mars eût voulu être grand-écuyer au lieu de premier écuyer de la petite écurie. Le Roi disoit tout en sa présence ; il savoit toutes les affaires. Le cardinal en représenta tous les inconvénients au Roi, et que c’étoit un trop jeune homme. Cela outra le grand-écuyer, qui fit maltraiter son espion, La Chenaye, premier valet-de-chambre, par le Roi, qui le chassa honteusement. Le Roi, en maltraitant La Chenaye, disoit aux assistants : « Il n’est pas gentilhomme, au moins. » Il l’appeloit coquin, et le menaçoit de coups de bâton. Cinq-Mars s’en lava comme il put auprès du cardinal, en lui