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sulter, en lui disant d’un ton aigre que M. le Grand étoit arrêté. Cela n’y fait rien, car, pour donner le change, on laissa apparemment faire tout cela à madame de Lansac, et peut-être le lui fit-on faire exprès. Le temps nous en apprendra davantage. Le cardinal Mazarin, au retour de Narbonne, passa le premier à Lyon, et alla voir M. de Bouillon à Pierre-en-Cize, et lui dit : « Votre Traité est découvert ; » et en même temps il lui en cita par cœur quelques articles. Cela étonna fort M. de Bouillon, qui crut que M. d’Orléans avoit tout dit ; il confessa tout, quand on lui assura la vie.

Comme on menoit M. le Grand à Lyon, un petit laquais catalan lui jeta une boulette de cire dans laquelle il y avoit un petit papier avec quelques avis assez mal digérés. Ce petit garçon, qui étoit à lui, s’étoit mis en ce hasard et venoit de la part de la princesse Marie.

À Lyon, le chancelier Seguier dit tant à M. le Grand que le Roi l’aimoit trop pour le perdre, que cela n’iroit qu’à quelque temps de prison, que Sa Majesté auroit égard à sa jeunesse, que le pauvre M. le Grand en crut quelque chose. Il se persuada que le Roi ne souffriroit jamais qu’on le fît mourir ; qu’étant si jeune, il avoit le temps d’attendre la mort du cardinal, et qu’après il reviendroit à la cour. D’abord il confessa tout en secret à M. le chancelier seul[1]. Le chancelier dit alors au cardinal : « Pour M. le Grand, cela va assez

  1. Le Roi, à son passage à Lyon, dit cent puérilités au chancelier, et entre autres qu’il n’avoit jamais pu habituer ce méchant garçon à dire tous les jours son Pater. Une autre fois, en faisant des confitures, le Roi dit : « L’âme de Cinq-Mars étoit aussi noire que le cul de ce poëlon. » (T.)