Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/50

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ce qu’il dit ensuite de la délivrance de son ami est véritable, et le roi François Ier l’ayant su, s’écria : « Ah ! le paillard ! » Ensuite ce M. d’Urfé, qui avoit délivré son ami, en écrivant à quelqu’un de la cour, signa par galanterie : Le Paillard. Depuis quelques-uns de cette maison ont eu ce nom-là pour nom de baptême ; au moins l’ai-je ainsi ouï dire. Cela me fait souvenir d’une bonne maison d’Auvergne qu’on appelle d’Aché, au moins signent-ils ainsi, mais leur véritable nom est fort vilain ; ils se nomment Merdezac, et on dit que c’est un sobriquet qui fut donné à un de leurs auteurs dans je ne sais quelle bataille, où, quoiqu’il lui eût pris un dévoiement, il ne se retira point du combat et y fit merveilles.

Le Balafré, père de la princesse de Conti, fut beaucoup plus malheureux en femme que son grand-père. La sienne[1] se gouvernoit fort mal. Un de ses amis, croyant qu’il ne s’en apercevoit point, voulut tenter s’il pourroit le lui dire ; il lui raconta donc qu’il avoit un ami dont la femme ne vivoit pas bien, et qu’il le prioit de lui dire s’il lui conseilloit de le découvrir à cet ami ; « car j’en suis si assuré, ajouta-t-il, que je puis le prouver facilement. » Le Balafré, qui avoit bon nez, lui répondit : « Pour moi, je poignarderois qui me viendroit dire une chose comme cela. — Ma foi ! reprit l’autre, je ne le dirai donc point à mon ami, car il pourroit bien être de votre humeur. »

Il lui fit pourtant la peur tout entière, à ce qu’on

  1. Elle étoit de Clèves, cadette de madame de Nevers, mère de M. de Mantoue. (T.)