Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/51

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dit ; car un jour qu’elle se trouvoit un peu mal, après avoir témoigné qu’il avoit quelque chose dans l’esprit qui le chagrinoit fort, il lui dit d’un ton assez étrange qu’il falloit qu’elle prît un bouillon ; elle lui dit qu’elle n’en avoit point de besoin. « Vous m’excuserez, madame, il en faut prendre un. » Et de ce pas en envoya quérir un à la cuisine. Elle qui n’avoit pas la conscience trop nette, crut fermement qu’il la vouloit dépêcher, et lui demanda en grâce qu’elle ne prît ce bouillon que dans une demi-heure. On dit qu’elle employa ce temps-là à se préparer à la mort, sans en rien dire toutefois, et qu’après elle prit le bouillon qu’il lui envoya, et qui n’étoit qu’un bouillon à l’ordinaire.

Saint-Mégrin (La Vauguyon), qu’on a cru père de feu M. de Guise, parce qu’il étoit camus comme lui, étoit son galant. M. de Mayenne, qui n’entendoit pas raillerie, le fit assassiner. Il en fit autant à Sacremore, qu’on accusoit de coucher avec la fille de madame de Mayenne. Ce Sacremore étoit un gentilhomme dont je n’ai pu savoir autre chose.

M. de Mayenne, pour attraper sa femme[1], qui s’inquiétoit fort de ce qu’il sortoit la nuit, faisoit mettre son valet avec sa robe de chambre auprès d’une table, avec bien des papiers, comme s’il eût travaillé à quelque grande affaire ; ce valet, de loin, faisoit signe de la main à madame de Mayenne qu’elle se retirât, et elle se retiroit par respect.

Mademoiselle de Guise, depuis princesse de Conti, fut cajolée de plusieurs personnes, et entre autres du

  1. Madame de Mayenne étoit héritière de Tende (le comte de Tende, bâtard de Savoie). Elle étoit veuve de M. de Montpézat. Devenue héritière, M. de Mayenne l’épousa. (T.)