Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/66

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lire la pièce que Bautru fit contre lui, qu’il a intitulée l’Ambigu[1]. Quand son frère alla à Rome, il fut long-temps à décider s’il l’y mèneroit ou non, et il disoit plaisamment que cet homme étoit si ambigu, qu’il rendoit ambiguës toutes les choses qui le concernoient. Quand il fut fait archevêque, pour montrer qu’il savoit du latin, il traduisit toutes les harangues de Quinte-Curce et le traité de Amicitiâ de Cicéron ; mais il ôta sur ce point-là l’ambiguité où l’on avoit été jusques alors, car il persuada tous ceux qui s’y connoissoient, qu’il n’entendoit pas cette langue. Ces traductions pourtant furent estimées de toute la cour ; mais c’étoit en un temps où l’on peut dire que l’on donnoit la réputation. On ne laissoit pas de dire que les cadets avoient perdu leur procès, car le cadet de Desportes et celui de Bertaut approchoient encore moins de leurs aînés que cet ambigu du cardinal.

  1. « M. de Bautru a fait une satire contre l’Ambigu. L’Ambigu étoit frère de M. le cardinal du Perron. On ne pouvoit pas, disoit-il, décider s’il étoit jour ou nuit lorsqu’il vint au monde. Il étoit hermaphrodite, et la sage-femme, lors qu’il fut né, dit à la mère : « Madame, votre fils est une fille, et votre fille est un garçon. » On le nomma Lysique, afin qu’on ne pût distinguer si c’étoit le nom d’un homme ou d’une femme. Il mit un ouvrage en lumière ; mais on ne pouvoit pas dire pour cela qu’il fût auteur, parce que c’étoit une traduction. » (Menagiana, édit. de 1762, tom. I, pag. 339.)