Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/74

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

étonnassent pas, et que si le plus fort de ses Suisses avoit autant de pots de vin dans la tête, il seroit tombé tout de son long.

Il se fait écrire monseigneur par La Varenne[1] ; on ne donnoit point du monseigneur en ce temps-là au surintendant des finances, et il n’étoit que cela alors. D’ailleurs La Varenne étoit trop fier pour en user ainsi. On le voit par une chose qu’il lui écrivit depuis, à propos du différend de leurs gendres[2] en Bretagne, pour la préséance ; quoique M. de Sully fût duc et pair, l’autre lui écrivit ainsi : Le différend qui est entre nos gendres… Cela pensa faire enrager le bon homme. Cela me fait ressouvenir que M. le chancelier Seguier, dont la fille a épousé le petit-fils de M. de Sully, lui ayant écrit une fois, à propos de quelques démêlés, en ces mots : Pour conserver la paix dans nos

  1. Grand m… du roi. (T.) — Cette assertion de Tallemant sur les fonctions secrètes de La Varenne ne paroît pas dénuée de vraisemblance. Son premier office avoit été celui de cuisinier chez Madame : il excelloit à piquer les viandes. Quand il eut fait fortune et quand Guillaume Fouquet (c’étoit son nom) eut gagné le marquisat de La Varenne, Madame le rencontrant un jour, lui dit : « La Varenne, tu as plus gagné à porter les poulets de mon frère qu’à piquer les miens. » Il fut fait porte-manteau du Roi, puis conseiller d’état et contrôleur général des postes ; toutefois ces différentes charges ne le détournèrent jamais du soin de ses missions amoureuses. Mais l’âge du Roi diminuoit chaque jour l’importance du rôle de son confident ; aussi La Varenne ayant obtenu une grâce nouvelle du prince, comme le chancelier de Bellièvre faisoit quelques difficultés d’en sceller l’expédition, La Varenne lui dit : « Monsieur, ne vous en faites pas tant accroire : je veux bien que vous sachiez que si mon maître avoit vingt-cinq ans de moins, je ne donnerois pas mon emploi pour le vôtre. »
  2. M. de Rohan ; le comte de Vertus d’Avaugour. (T.) — Henri, duc de Rohan, épousa en 1605 Marguerite de Béthune-Sully, et Claude de Bretagne, comte de Vertus, avoit épousé Catherine Fouquet, fille du marquis de La Varenne.