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LA REINE MARGUERITE DE VALOIS.


La reine Marguerite[1] étoit belle en sa jeunesse, hors qu’elle avoit les joues un peu pendantes, et le visage un peu trop long. Jamais il n’y eut une personne plus encline à la galanterie. Elle avoit d’une sorte de papier dont les marges étoient toutes pleines de trophées d’amour. C’étoit le papier dont elle se servoit pour ses billets doux. Elle parloit phébus selon la mode de ce temps-là, mais elle avoit beaucoup d’esprit. On a une pièce d’elle, qu’elle a intitulée : La Ruelle mal assortie[2], où l’on peut voir quel étoit son style de galanteries.

Elle portoit un grand vertugadin, qui avoit des pochettes tout autour, en chacune desquelles elle mettoit une boîte où étoit le cœur d’un de ses amants trépassés, car elle étoit soigneuse, à mesure qu’ils mouroient, d’en faire embaumer le cœur. Ce vertugadin se pendoit tous les soirs à un crochet qui fermoit au cadenas, derrière le dossier de son lit.

  1. Je ne dirai que ce qui n’est point dans ses Mémoires, ni dans ceux que M. de Peiresc a laissés à M. Dupuy. (T.) — Marguerite de France, reine de Navarre, première femme de Henri IV, née en 1552, morte le 27 mars 1615. On a d’elle des Mémoires fort curieux, qui ont eu beaucoup d’éditions.
  2. Cette pièce ne paroît pas avoir été imprimée.