Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 1.djvu/93

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et bien craignant Dieu, car elle faisoit dire une quantité étrange de messes et de vêpres.

Hors la folie de l’amour, elle étoit fort raisonnable. Elle ne voulut point consentir à la dissolution de son mariage en faveur de madame de Beaufort. Elle avoit l’esprit fort souple et savoit s’accommoder au temps. Elle a dit mille cajoleries à la feue Reine-mère[1], et quand M. de Souvray[2] et M. de Pluvinel[3] lui menèrent le feu Roi, elle s’écria : « Ah ! qu’il est beau, ah ! qu’il est bien fait ! que le Chiron est heureux qui élève cet Achille ! » Pluvinel, qui n’étoit guère plus subtil que ses chevaux, dit à M. de Souvray : « Ne vous disois-je pas bien que cette méchante femme nous diroit quelque injure ? » M. de Souvray[4] lui-même n’étoit guère plus habile. On avoit fait des vers dans ce temps-là qu’on appeloit les Visions de la cour, où l’on disoit de lui qu’il n’avoit de Chiron que le train de derrière.

Henri IV alloit quelquefois visiter la reine Marguerite[5], et gronda de ce que la Reine-mère n’alla pas assez avant la recevoir à la première visite.

  1. Marie de Médicis, qui l’avoit remplacée dans la couche de Henri IV, et au couronnement de laquelle Henri IV exigea qu’elle parût.
  2. M. de Souvray, ou de Souvré, étoit gouverneur de Louis XIII.
  3. Il étoit sous-gouverneur et premier écuyer de la grande écurie. (T.)
  4. Ce M. de Souvray, à ce qu’on prétend, disoit Bucéphale en lieu de Céphale, en cet endroit de Malherbe (Ode à la Reine-mère du Roi, sur sa bienvenue en France) où il y a :

    Quand les yeux même de Céphale
    En feroient la comparaison. (T.)

  5. Elle avoit fait bâtir un hôtel à l’entrée de la rue de Seine (sur l’em-