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Durant ses repas, elle faisoit toujours discourir quelques hommes de lettres. Pitard, qui a écrit de la morale, étoit à elle, et elle le faisoit parler assez souvent.

Le feu Roi s’avisa de danser un ballet de la vieille cour, où, entre autres personnes qu’on représentoit, on représenta la reine Marguerite avec la ridicule figure dont elle étoit sur ses vieux jours. Ce dessein n’étoit guère raisonnable en soi ; mais au moins devoit-on épargner la fille de tant de rois.

À propos de ballets, une fois qu’on en dansoit un chez elle, la duchesse de Retz la pria d’ordonner qu’on ne laissât entrer que ceux qu’on avoit conviés, afin qu’on pût voir le ballet à son aise. Une des voisines de la reine Marguerite, nommée mademoiselle Loiseau, jolie femme et fort galante, fit si bien qu’elle y entra. Dès que la duchesse l’aperçut, elle s’en mit en colère, et dit à la Reine qu’elle la prioit de trouver bon que pour punir cette femme elle lui fît seulement une petite question. La Reine lui conseilla de n’en rien faire, et lui dit que cette demoiselle avoit bec et ongles ; mais voyant que la duchesse s’y opiniâtroit, elle le lui permit enfin. On fit donc approcher mademoiselle[1] Loiseau, qui vint avec un air fort délibéré : « Mademoiselle, lui dit la duchesse, je voudrois bien vous prier de me dire si les oiseaux ont des cornes ? — Oui,

    placement des maisons qui commencent la rue à droite). Les jardins s’étendoient le long de la rivière jusqu’à la rue des Saints-Pères. La première fois que Henri alla la voir, il lui dit, en la quittant, qu’il la prioit d’être plus ménagère. « Que voulez-vous, répondit-elle, la prodigalité est chez moi un vice de famille. »

  1. On ne donnoit alors que la qualification de demoiselle aux femmes bourgeoises ; celle de madame n’appartenoit qu’aux femmes de qualité.