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CHAPITRE IX. — PARMÉNIDE D’ÉLÉE.

parler, original. Là il se montre réellement disciple des pythagoriens ; s’il conserve une certaine indépendance, il marche dans le sens de l’enseignement qu’il a reçu, plutôt qu’il ne manifeste des tendances opposées. On peut bien dire que sa physique n’est pas vraiment pythagorienne, qu’il a fait de sérieux emprunts aux Ioniens. Mais, si cela est exact, on doit ajouter que c’est parce qu’il n’y a jamais eu de physique pythagorienne réellement définie, et que celle de Parménide n’en constitue pas moins le document le plus considérable que l’on possède sur les opinions prédominantes au sein de l’école italique, au moment où il composa son poème.

L’enseignement ésotérique des pythagoriens, abstraction faite de la partie mystique, devait en effet essentiellement consister dans l’étude des quatre mathèmes, l’arithmétique, la géométrie, la sphérique (astronomie théorique) et la musique. Parménide ne semble guère y avoir participé, si ce n’est pour certains résultats relatifs à l’astronomie.

L’enseignement exotérique au contraire comprenait la physique et il était présenté comme conjectural. À l’origine, le fonds en fut principalement fourni par la tradition ionienne (Thalès et Anaximandre), mise en rapport avec les progrès des connaissances scientifiques d’un côté, de l’autre avec une thèse dualiste et avec un dynamisme exprimé sous une forme plus ou moins mythique. Dans la suite, ce fonds originaire fut librement modifié suivant les tendances personnelles des principaux chefs de l’École.

Ceux des pythagoriens qui voulurent donner à l’enseignement physique une forme écrite fixe (Hippasos, Alcméon), firent nécessairement secte ; en tout cas, la thèse dualiste originaire, qui avait un caractère concret, subit en particulier de très bonne heure des transformations radicales et finit par devenir purement abstraite.

Telles sont les thèses que j’ai mises en avant et qu’il me reste à développer en ce qui concerne Parménide du moins ; quant aux pythagoriens, ce que j’en ai dit a déjà été justifié ou se trouvera l’être dans le cours de ce chapitre.


2. La façon dont je caractérise et j’explique la thèse de l’Éléate concernant la vérité, tout en se rapprochant très sensiblement, quant au fond des choses, de l’exposition de cette thèse par Éd. Zeller, n’en contrarie pas moins les opinions qui ont communément cours sur le sens des doctrines de Parménide. C’est lui en