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CHAPITRE XI

MÉLISSOS DE SAMOS


1. Il nous reste de Mélissos des fragments importants, qui permettent de se faire une idée assez nette de l'écrit qu'il avait laissé. La presque totalité de ces fragments nous le montre dévelop- pant des thèses ontologiques sur le modèle de celles de Parménide, ne s'écartant guère du poète d'Élée qu'en ce qu'il qualifie d'infini l'Être universel. On croirait donc qu'il traite absolument le même sujet et reste entièrement sur le même terrain. Les deux derniers fragments nous transportent au contraire bien loin ; dans l'un, Mélissos nie expressément que cet Être dont il parle soit étendu, dans l'autre, il déclare non moins clairement que le monde chan- geant des phénomènes n'est qu'une illusion de nos sens, que la raison ne peut reconnaître la réalité de l'être sous aucune des formes du devenir.

Voilà l'idéalisme désormais bien caractérisé sous la forme monis- tique. Comment les germes dus aux Éléates sont-ils ainsi éclos loin de la terre où ils avaient semé? Comment est-ce l'Ionie qui porte encore ce nouveau fruit?

En Italie, le mouvement intellectuel, malgré les guerres civiles qui l'ont entravé, continue, pendant la seconde moitié du Ve siècle, dans les voies ouvertes par le pythagorisme. L'École n'existe plus comme association politique ni même comme centre d'études ; les groupes et les penseurs s'isolent plus ou moins et tendent à former secte, mais en se reconnaissant toujours comme disciples du Samien, autour duquel la légende commence à se former. Il s'agit maintenant de mettre d'accord avec le progrès des idées les formules vénérées qu'il a laissées, de placer les nouvelles découvertes sous le patronage de son nom. Les systèmes les plus divers peuvent