Page:Tannery - Pour l’histoire de la science Hellène.djvu/331

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à la vie organique, aux problèmes de toutes sortes qu’elle soulève depuis la génération jusqu’à la sensation. C’est un terrain qu’avant Anaxagore, les Ioniens n’avaient guère abordé, mais qu’en Italie Alcméon, puis Parménide avaient déjà déblayé. Empédocle se rattache en fait à leur école, mais il développe avec amour les mêmes questions, y introduit des explications conformes à sa doctrine des éléments, qui se trouve ainsi amplement illustrée; enfin, sur nombre de points, il donne libre carrière à son originalité.

Je ne me propose nullement d’étudier quelle a pu être, au point de vue scientifique, la valeur de ses travaux dans ce domaine. Ils appartiennent en fait à l’histoire des origines de la médecine grecque. Je voudrais seulement insister sur ce point que, si la doctrine des quatre éléments a triomphé dans l’antiquité, c’est surtout grâce à l’accueil favorable qu’elle a reçu dans les écoles médicales ; elle se prêtait beaucoup mieux, soit que les doctrines monistes ioniennes, soit que les hypothèses vraiment scientifiques au fond, mais trop vagues comme forme d’Anaxagore ou de Leucippe, aux tentatives de coordinations théoriques dont l’art d’Asclépios commençait à sentir le besoin. Elle s’y combina dans la doctrine des tempéraments avec les oppositions du froid et du chaud, du sec et de l’humide, et c’est sous celte nouvelle forme qu’elle nous apparaît dans Aristote, lui-même fils de médecin, tandis qu’elle s’était propagée dans l’école italique et avait donné lieu, de la part des mathématiciens pythagoriens, aux spéculations géométriques que nous retrouvons dans le Timéc de Platon.

Un pareil succès prouve clairement que la conception d’Empédocle répondait à une nécessité scientifique de l’époque; il suppose aussi que son auteur avait su la développer de façon à séduire le public auquel il s’adressait, non seulement par le charme de ses vers, mais aussi par la valeur réelle de ses idées.

La pluralité des éléments, suivant un nombre plus ou moins restreint, peut avoir été soutenue avant lui; avoir fait triompher cette doctrine, qui devait régner près de vingt siècles, est un titre de gloire inattaquable.

Comment Empédocle fut-il conduit à cette conception, nous n’en savons rien ; en tout cas, historiquement, la valeur en est simplement empirique, quelles que soient les raisons a priori sur lesquelles Aristote a essayé de l’appuyer. A l’idée primitive du monisme, idée incapable de se prêter au progrès de la science et