Page:Tannery - Pour l’histoire de la science Hellène.djvu/86

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11 . Parmi les opinions du Milésien auxquelles on peut reconnaître un caractère suffisant d’authenticité, il en est une dernière qui mérite encore notre attention : « tout est plein de dieux » suivant le mot que rapporte Aristote, ou bien, d’après la formule de Diogène Laërce, « le monde est animé et plein de divinités ». Le sens véritable de cette expression est déterminé en ce que Thalès attribuait une âme vivante, non seulement aux plantes, mais encore à l’ambre ou à l’aimant, pour expliquer les phénomènes de l’attraction exercée par ces corps.

Cette conception de la force motrice n’a nullement le cachet d’une origine particulière ; on la retrouve partout et le sauvage n’en a pas d’autre. C’est qu’elle est naturelle à l’homme et, quand nous en sourions, nous ne réfléchissons guère qu’au fond nous n’en sommes vraiment pas débarrassés, et qu’elle se trouve, masquée, il est vrai, mais toujours indéracinable, sous les représentations que nous croyons les plus abstraites et partant les plus rigoureusement scientifiques.

Toutefois, il n’est pas inutile, pour notre objet, d’observer que les Égyptiens ne s’étaient nullement élevés dans leur langage au-dessus de ce premier degré de l’échelle ; leurs croyances médicales en offrent de curieux exemples (Maspéro, p. 82, 85). En somme, là encore, Thalès ne semble pas s’être écarté des opinions vulgairement reçues chez eux.

On pourrait rechercher dans leurs doctrines d’autres rapprochements avec les dogmes célèbres de la philosophie grecque ; nous aurons dans la suite, à propos d’Heraclite, à constater encore quelques emprunts probables ; cependant il faudrait évidemment se garder d’aller trop loin dans cette voie.

On a récemment appris qu’il ne fallait nullement ajouter foi, par exemple, à une des opinions les plus répandues, même dans l’antiquité, à savoir que la métempsycose serait une idée égyptienne. Les Grecs qui croyaient la retrouver sur les monuments figurés ont été trompés par des représentations symboliques qui marquent l’assimilation du khou à divers types divins sous la figure d’animaux ou de plantes. Dira-t-on que Pythagore s’y est trompé lui-même ? Autant avouer que l’idée était en lui.

Si l’on veut attribuer une origine barbare à ce dogme fameux, mieux vaudrait le rattacher aux rites orphiques et aller chercher au nord de la Thrace, chez les Gètes (en retournant les dires d’Hérodote sur Zamolxis, qui est un dieu solaire) ou chez les