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un homme politique, c’est de donner une place, ne fût-ce qu’une place de postillon, à un adversaire ou à un tiède. Et le plus grand éloge que ces mêmes personnes décernent à un député ou à un ministre est de dire qu’il n’a jamais oublié ses « cabaleurs. »

Voila, pour un grand nombre, ce que c’est que la politique.

Ce n’est pourtant là qu’une des misères de la politique.

D’autres voient de la politique dans la manière dont se font les élections trop souvent, hélas ! Cabales, intrigues, corruption, menaces, intimidation, violences, telles sont les armes dont il faut se servir pour mériter, dans l’opinion de plusieurs, le titre d’homme politique. Si un agent d’élection ne sait pas « virer une paroisse, » soit par la boisson, soit par l’argent, soit par quelque promesse ; s’il ne sait pas au besoin faire un « coup de main », pour enlever les livres de votation, ou organiser une bande de fiers-à-bras pour empêcher les électeurs de se rendre aux polls ; s’il ne peut pas exploiter les craintes du débiteur ou les convoitises du créancier ; s’il n’est pas de taille à faire tout cela et une foule d’autres choses semblables ou pires, sa valeur est mince aux yeux des gens dont nous parlons.

Nous avons souvent entendu affirmer — et qui ne l’a entendu dire comme nous ? — que toutes ces infamies sont permises pour gagner une élection.

Révolté par un tel cynisme, nous nous sommes plus d’une fois écrié : — « Mais c’est épouvantable ce que vous dites là. »

— « Oh non ! ce n’est pas épouvantable du tout, c’est de la politique. Voyez-vous, nos adversaires se servent de ces moyens, et il faut bien faire comme eux. »

— « Mais depuis quand, répondions-nous, le péché de votre voisin, ou même de votre adversaire justifie-t-il votre propre péché ? »

Et la réplique invariable était :

— « Le peuple est si bête qu’il faut le mener comme ça. Si vous étiez un homme politique vous comprendriez ces choses-là. »