Page:Tarsot - Fabliaux et Contes du Moyen Âge 1913.djvu/89

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avait appris par son expérience à devenir défiant et rusé. Guillaume n’eût demandé seulement qu’à voir sa mie ; et cette faible consolation lui était interdite.

Un jour enfin qu’il cherchait et rôdait autour des murs, il aperçut une poterne abandonnée, à travers laquelle il était possible de se parler. Il trouva moyen de le faire savoir à Nina qui ne manqua pas d’en profiter. Pour lui il pouvait venir en sûreté au lieu du rendez-vous par de petits sentiers détournés, à travers la forêt, que lui seul connaissait. Ce dédommagement léger fit d’abord le bonheur des deux amants : ils en jouirent pendant quelque temps avec transport ; mais quoi ! se parler sans se voir, s’aimer tendrement et ne pouvoir se le prouver ! pas un baiser ! toujours craindre d’être découverts et d’être séparés pour toujours ! Guillaume ne put tenir à une pareille situation. Il résolut d’en sortir d’une manière ou d’une autre, et vint au château dans le dessein de déclarer ses intentions au père et d’en obtenir une réponse décisive.

« Sire, lui dit-il, j’ai une grâce à vous demander, daignez m’écouter un instant ; j’aime votre fille, Sire, et j’ose vous supplier de m’accorder sa main. Vous connaissez ma naissance et mon nom, je crois avoir quelque droit à votre estime et n’être point indigne de Nina ; j’attends votre réponse ; mais cette réponse va me donner ou la vie ou la mort. — Je conçois sans peine qu’on peut aimer ma fille, répondit le vieillard ; elle est jeune, belle et sage ; sa naissance est distinguée ; je n’ai qu’elle d’héritière ; et si elle mérite toujours mon amitié, un bien considérable l’attend. Avec ces avantages, je crois qu’il n’y a point de prince en France