Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/232

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mes de génie supérieurs de ce pays. À la page 176, il donnait la biographie d’un touriste malade en voyage et soigné dans une chambre d’hôtel par son serviteur. Dans ce fait si simple, l’auteur de Notre Cœur s’était surpassé. Toute la sensibilité de l’être souffrant avait parlé, cela m’avait paru d’un sentiment si intense que M. de Maupassant n’avait rien fait de plus beau, à mon avis.

Par la suite, dans la Vie errante, quelques pages qui avaient échappé au feu furent arrangées et publiées… Je tentai de savoir la cause de cette destruction. Mais mon maître resta impénétrable sur ce point ; seulement, bien des fois, il me disait en parlant de Crispi : « Cet être bas fait assez de mal à son pays ! C’est au point que je ne veux même plus lire ce que cet homme sans conception fait dire par ses journaux à propos de la France et du tempérament de son peuple. Mais, ajoutait-il, si un jour je me trouvais en face de lui, je ne sais si je pourrais me retenir ! Je crois que je lui dirais des choses qui lui feraient peine à entendre… »

Après avoir entendu plusieurs fois Monsieur s’exprimer avec tant d’aigreur sur le compte de l’Italie, j’en ai conclu qu’il a préféré sacrifier son œuvre plutôt que de dire du bien d’un pays dont les dirigeants poursuivaient la France de leur animosité perfide.

Mais tout de même, pourquoi avoir détruit son beau manuscrit ! Détruit ? Cela pouvait-il servir la politique russe, que venait sans doute défendre cette Slave de la patrie de Tourguenef aux visites si matinales !


Nous arrivons aux premiers jours de janvier 1890, je suis pris d’une forte influenza. Ne voulant pas subir