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bas que huit jours, et croyez bien que si je n’avais pas trouvé dans ce pays insipide une Flamande de Gand, au sang généreux, avec un superbe profil et une gorge, oh une gorge !… du marbre comme je suis certain que Van Dyck, leur grand peintre, n’en a pas rencontré dans sa longue carrière ! Sûrement, sans cette beauté, je serais revenu dans les quarante-huit heures… »

Un peu plus tard, en 1892, je rencontrai le baron dans l’avenue des Champs-Elysées. Il s’apitoya sincèrement sur le sort de son ami, mais avec les mots, les phrases, d’un homme qui se sent lui-même bien malade. Le bon souvenir qu’il eut à l’adresse de mon maître me toucha profondément. En me quittant, il ajouta : « C’est bien malheureux, un si bel esprit, un littérateur qui touchait à la perfection ! Et une bonne humeur toujours égale ! »


30 avril. Rue Boccador. — Nous sommes ici depuis deux jours, et mon maître appelle Kakléter pour lui faire poser les grands rideaux de sa chambre qu’on a dû transformer. « C’est, dit-il, ce qu’il y a de plus pressé. »

Le troisième jour, sa chambre et la bibliothèque sont terminées ; il a ses deux pièces pour travailler et il finit Notre cœur sans aucune peine, tout en donnant des conseils à son tapissier, qui tend entièrement le salon d’un tissu vert olive. Le plafond est fait d’une tapisserie à grands personnages ; sur les panneaux on dresse aussi des tapisseries représentant des paysages et des verdures. Le tapis est saumon, le mobilier se compose de fauteuils, chaises et canapés presque tous de différents styles, mais la plupart de style Louis XVI et recouverts de soies anciennes. Sur la cheminée, un bloc de marbre blanc, superbe ; c’est une pendule pur Louis XVI, avec ses deux candélabres très bas. Les rideaux sont bien assortis