Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/243

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Grecque fort belle, ma foi, presque de pure race. Sa candeur, sa naïveté, sa jeunesse, m’ont un peu gêné jusqu’à présent ; mais je ne crois pas le moment éloigné où je franchirai l’obstacle. Ce serait vraiment malheureux de laisser ce vieux… ce serait une lâcheté sans nom… un crime de lèse-amour !… »

Il se mit à rire de tout cœur… et, revenant à la grande chaleur qui nous incommodait : « Si cela continue, ajouta-t-il, je vais envoyer un mot à Bernard et à Raymond et nous partirons prendre la mer le plus tôt possible. Sous la voile, nous serons toujours mieux. Je vous préviendrai à temps. Mais, dites-moi, si, par hasard, vous voyez un accident, un crime quelconque, enfin quelque chose où il y ait mort d’homme, mort violente, venez me prévenir aussitôt, car je voudrais prendre quelques notes sur ce sujet. »

Deux ou trois jours après, je revenais d’une promenade sur la route de Marlioz, quand j’aperçois, derrière un buisson, le corps d’un homme qui pendait à une branche d’arbre. « Du coup, me dis-je, voilà l’affaire de mon maître. » Mais tout de suite arrivèrent deux gendarmes, suivis d’une femme ; ils coupèrent la corde, le sujet était déjà mort, quoique tiède encore…

Je partis quand même au pas gymnastique prévenir mon maître. Mais j’eus une déception ; il me dit qu’il lui fallait une mort violente par le revolver ou le couteau, ou un écrasement avec du sang, etc…


Nous sommes montés plusieurs fois au Revard. Mon maître regarde longtemps, avec une grande attention, toutes ces montagnes et ces paysages, qui entourent Aix-les-Bains. Certain jour, nous restons là-haut jusqu’à la