Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/75

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C’est le cimetière des Antibois, ombragé de cyprès élancés, semblant se mirer dans les eaux de la petite crique qui entoure le port. Un cimetière, dans cette anse, près de la mer si bleue, donne l’impression d’avoir été placé là pour que ceux qui y reposent soient bercés par ses vagues.

Par les fenêtres au Sud, le cap avec son immense fouillis de verdure aux reflets argentés ; plus à droite, le golfe Juan et les îles de Lérins se voient très bien. C’est dans cet observatoire incomparable que mon maître va jeter le plan d’un roman sur lequel il compte beaucoup. Puissent ces merveilleux sites, ce panorama splendide, cette si belle nature qui charme les yeux et remplit le cœur l’aider et l’inspirer pour mener à bien l’œuvre qu’il va concevoir ! Tel fut le vœu que je fis quand j’eus, avec lui, parcouru des yeux ces régions superbes qui nous entouraient, nous séparaient du reste du monde et nous plaçaient dans un cadre merveilleux, fait à souhait pour ceux qui éprouvent le besoin de l’isolement et du repos.

Pendant la journée la chaleur est encore très forte ; en revanche les soirées sont délicieuses ; le ciel, où les étoiles fourmillent, est d’une clarté admirable. Je regrette que l’astronome d’Étretat soit si loin, car je pense que ce serait pour lui une joie de voir cette voûte constellée, que nous admirons tous les soirs. Piroli est là, qui fait la chasse aux cri-cris et s’arrête parfois devant le trop grand nombre de vers luisants qui lui font peur.

Lorsque arrive l’heure de dormir, on se décide avec peine à quitter le jardin où il fait si bon ; les nuits sont si douces qu’elles font penser à ce paradis terrestre dont parle l’histoire sainte. Je dors la fenêtre ouverte ; cette tiédeur qui vient du dehors est si bonne, si parfumée !