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DÉCOURAGEMENT.

Un jour, un seul ! pour jeter sur ces pages,
Pour, à mon gré, répandre dans mes vers
Ce que je vois de brillantes images,
Ce que j’entends d’ineffables concerts !

Un jour, un seul !… mais non, pas même une heure !
Pour m’épancher, pas un mot, pas un son,
L’esprit captif qui dans mon sein demeure
Bat vainement les murs de sa prison.

Ainsi s’accroît la flamme inaperçue
D’un incendie en secret allumé :
Lorsqu’au dehors elle s’ouvre une issue,
C’est qu’au dedans elle a tout consumé.

Si vous deviez aux voûtes éternelles
Dès le berceau fixer mes faibles yeux,
Pourquoi, mon Dieu, me refuser ces ailes
Qui d’un essor nous portent dans vos cieux ?

Moi qui, du monde aisément détachée,
Aspire à fuir les chaînes d’ici-bas,
Dois-je glaner, vers la terre penchée,
Ce peu d’épis répandus sous mes pas ?

Faut-il quêter dans la moisson commune
Mon lot chétif de peine et de plaisirs,
Quand il n’est point de si haute fortune
Que de bien loin ne passent mes désirs !…