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ÉDITH.

Sur ce terrain moussu, d’un sang tiède imbibé,
A soufflé la bataille, et le brave est tombé.
Quel spectacle effrayant pour celle que naguère
Abritaient orgueilleux les châteaux d’Angleterre.
Mais pour bannir la peur l’amour est assez fort ;
Il l’élève sans peine au-dessus de son sort ;
Elle ne faiblit pas devant la mort sanglante ;
La tête d’un époux retombait défaillante
Sur le sein conjugal, alors son seul appui :
Tout autre souvenir de la terre avait fui.
Pour arrêter ce sang dont le torrent rapide
Appesantit déjà son vêtement humide,
Elle prodigue en vain sa robe et ses cheveux ;
La blessure béante est rebelle à ses vœux,
Et pourtant elle espère !… Espérance parjure,
Comme le cœur chérit ton décevant murmure !
Que tu nous vois longtemps pleurer, veiller, trembler,
Sans jamais croire au coup prêt à nous accabler !
Sur le blessé penchée, une vague prière
Remplit à son insu, son âme tout entière.
La lune alors, perçant le feuillage agité,
Marbrait le trône des pins d’ombres et de clarté ;
Sur le front du guerrier, la luciole errante
Répand un jour furtif sur sa face mourante,
Sur ces yeux, d’où l’amour, dans un flottant brouillard
À défaut de parole élève un long regard !
Bientôt même, cessa ce triste et doux langage :
L’épouse lut alors sur ce muet visage
Son malheur tout entier ! — Un cri perça les bois ;
Pâle, froide, sans pouls, sans haleine, sans voix,