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LE PROLOGUE

« Couleur de lune est d’un fâcheux augure :
» Ce qui convient, c’est couleur du soleil !

» Allez le dire à votre royal père. »
Et lui, bientôt fléchi par cette voix,
Dit : « Vous aurez la robe, je l’espère :
» Songez-y bien, c’est la dernière fois ! »
Aux ouvriers il expose l’affaire :
« L’habit, dit-il, n’est point facile à faire ;
» Mais il y va de vie ou de trépas :
» Car si l’on peut le regarder en face,
» On vous fera tous cuire sur la place ! »
Les bons moyens, dit-on, ne s’usent pas.

Pourquoi faut-il que le peuple pâtisse
De ces travaux, aux princes glorieux !
Pour satisfaire à ce brillant caprice,
Aux pauvres gens il en coûta les yeux.
Mais, pour les grands, quand l’épreuve fut faite,
On inventa les verres de lunette,
En cent façons colorés ou noircis :
On peut encor, tant le fait est notoire,
S’en assurer à notre Observatoire,
Où tous les points obscurs sont éclaircis.

À cet aspect la princesse éperdue
S’écrie en pleurs : « — Je n’ai plus qu’à mourir !
» Ma bonne fée : hélas ! je suis perdue !
» — Tout beau, ma fille, on vous vient secourir :
» Un peu trop tôt vous perdez patience.