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PEAU-D’ÂNE

» Dites au roi, croyez-en ma science,
» Que de son âne il vous donne la peau.
» — Autant vaudrait demander sa couronne !
» N’ayons pas peur cette fois qu’il la donne ;
» Il me verrait plutôt mettre au tombeau ! »

Cet âne était de race financière ;
Beaux sequins neufs, écus d’or au soleil,
Chaque matin pleuvaient sur sa litière :
C’est un budget qu’un animal pareil !
Fi ! — Pourquoi fi ? — Parmi vous, je m’assure,
L’or a souvent une source moins pure,
Sans qu’on l’en traite avec plus de mépris.
Le roi pourtant sacrifia cet âne :
Il était fou, stupide, monomane,
Comme tout homme, ou tout roi bien épris.

Lorsqu’à l’Infante, avec cérémonie,
On apporta la peau de l’animal,
Elle tourna bientôt à l’agonie,
Toute pâmée à cet aspect fatal.
Près d’elle en hâte accourt la bonne fée :
« — Quoi ! vous pleurez votre plus beau trophée ?
» Voici l’habit que j’attendais pour vous.
» Sous cette peau votre fuite est aisée,
» Vous ne serez que trop bien déguisée :
» Ce bonheur-là n’appartient pas à tous ! »

Un bien pourtant que la belle regrette,
Sous son grotesque et bienheureux manteau,