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LE PROLOGUE

C’est… devinez ? — Son rang ? — Non, sa toilette.
Quoi ! posséder ce merveilleux trousseau,
Et s’en aller en si laid équipage,
Sans avoir pu l’essayer ! quel dommage !
Ô femme ! femme ! aurait dit Figaro.
Mais une fée est toujours un peu femmes ;
Puis, rarement, sur les faibles de l’âme,
Qui sait beaucoup songe à crier haro !

La fée en rit : « — Prenez cette baguette,
» Prenez, dit elle, et, n’importe en quels lieux,
» Frappez la terre * au même instant, cassette,
» Robes, joyaux, paraîtront à vos yeux.
» Mais qu’en secret ce trésor se déploie ;
» Malheur à vous s’il advient qu’on vous voie !
» Que vos atours soient comme vos appas,
» Cachés à tous. En ce monde profane,
» Pour réussir il n’est que la peau d’âne :
» Témoins tous ceux qui ne la quittent pas ! »

À mon avis la fée était peu sage
De se soumettre à ce caprice vain :
De quoi servaient, dans un pareil voyage,
De beaux habits, sans argent et sans pain ?
Mais, d’un refus affliger la jeunesse
Nous est si dur, que nous cédons sans cesse !
Souvent aussi, plus d’un enfant gâté,
A dit plus tard à quelque aveugle mère :
Trop douce au bord, la vie est trop amère ;
Malheur sur vous, pour m’avoir écouté !