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PREMIÈRE JOURNÉE.

Son front cédait au poids de ses pensées !…
Triste couleur que la couleur du temps !

Elle parlait tout bas devant la glace amie,
Où, sous ses traits réels, elle aime à se revoir ;
Et ses mots étaient doux comme le vent du soir
Qui berce la vague endormie.

« Rien ne peut arrêter sur les flots incertains
» La fleur que le cornant entraîne.
» Adieu mes jours brillans et mes nobles destins,
» Adieu le temps où j’étais reine !

» Le temps, où nul labeur, où nul soin soucieux
» Ne fatiguait ma main oisive ;
» Où je pouvais, aux bruits de la terre et des cieux,
» Prêter une oreille pensive !

» Le temps, où tout semblait me sourire ici-bas,
» Où ma vie était une fête ;
» Où les gazons m’offraient des tapis pour mes pas.
» Les fleurs, des festons pour ma tête !

» Le temps, où chaque jour, donnant mes vœux pour lois,
» J’ignorais un servile rôle ;
» Où des sujets soumis se taisaient à ma voix,
» S’agenouillaient à ma parole !

» Le temps, où tous les cœurs, où les esprits divers
» Cédaient tour à tour à mes charmes ;
» Où le sage, à mon gré, modulait des concerts,
» Et le vaillant prenait les armes !