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PEAU-D’ÂNE.


» Mais pour oser dicter ces ordres absolus,
» Pour garder ce pouvoir intime,
» Du rang que j’ai quitté, des ans que je n’ai plus,
» Il faut l’ignorance sublime.

» Maintenant j’ai trop vu, trop senti, trop souffert ;
» La paix ne peut m’être rendue ;
» Et, dans le vaste doute à ma tristesse ouvert,
» Ma foi naïve s’est perdue !

» Quand je retrouverais des prés, des eaux, des bois,
» Les parfums, l’ombre, le murmure,
» Qui sait, pour revenir à ses airs d’autrefois,
» Si ma voix serait assez pure ?

» Quand on me l’offrirait, que me fait désormais
» L’empire que j’ai droit d’attendre ?
» Du trône le prestige est détruit à jamais
» Pour qui s’est dit : Tu peux descendre.

» Hélas ! c’est le passé que mon œil attristé
» Cherche dans la glace fidèle ;
» Comme, dans un portrait, quelque antique beauté
» Regarde ce qui reste d’elle !

» Rien ne peut arrêter sur les flots incertains
» La fleur que le courant entraîne.
« Adieu mes jours brillans et mes nobles destins !
» Adieu le temps où j’étais reine ! »