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PEAU-D’ÂNE.

— Là-bas ? — là-bas ? — monseigneur, c’est Peau-d’Âne
— Peau-d’Âne ! Qui, Peau-d’Âne ? — Une souillon,
Digne des soins où le sort la condamne,
Et de l’habit dont elle a pris le nom ;
De cette ferme, enfin, la dindonnière.
— Peau-d’Âne !… Quoi ! cet ange de lumière
Que j’ai cru voir ? Ai-je perdu l’esprit ?
Me raille t-on ? » Et dans ce doute étrange,
Il se tourmente, il ne dort, ni ne mange,
Tant et si bien, que la fièvre le prit.

Le roi son père, et la reine sa mère,
Aimant leur fils d’un amour tout bourgeois,
Saisis tous deux d’une douleur amère,
Près de son lit accourent à la fois,
Lui demandant ce qu’il veut qu’on lui donne :
Palais, trésors, tout, jusqu’à la couronne,
Tout est à lui. « — Gardez sceptre et château,
Gardez, dit-il. » Et de l’air d’un malade,
À qui tout nuit et tout mets semble fade :
Je ne veux rien, si ce n’est un gâteau

Fait par Peau d’Âne. » Et la reine s’étonne :
Un cœur de mère est prompt à s’effrayer.
— D’où vient ce nom ? Quelle est cette personne ?
— Personne est trop, répond un écuyer ;
Bête plutôt, et bête la plus laide
Qu’on puisse voir ; d’amour un vrai remède ;
Propre à garder les dindons tout au plus,
Comme elle fait. — N’importe ! à ce caprice,