Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/106

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La fièvre y était en permanence et on y trouvait des fondrières de boue, même en été, surtout le long des clôtures par-dessus lesquelles se courbaient de vieux saules qui donnaient une ombre large. On y sentait toujours une odeur de déchets d’usine et d’acide acétique qui sert à la fabrication des indiennes. Les usines – trois d’indienne et une tannerie – étaient un peu en dehors du village. Elles étaient peu importantes et dans toutes il n’y avait guère que quatre cents ouvriers. La tannerie rendait souvent puante l’eau du ruisseau, les déchets empestaient les prés ; le bétail des paysans était pris de peste sibérienne, et on ordonnait de fermer la fabrique. Elle passait pour fermée, mais elle travaillait en secret, au su du commissaire rural et du médecin de district à chacun desquels le propriétaire payait dix roubles par mois. Dans tout le village, il n’y avait que deux maisons passables, bâties en pierres et couvertes de tôle : dans l’une était installée la mairie de la commune ; dans l’autre, à deux étages, située juste en face de l’église, vivait Grigôri Pétrôvitch Tsyboûkine, artisan d’Epiphânnskoë.

Grigôri tenait une épicerie, mais ce n’était que pour la forme. En fait, il trafiquait de tout ce qui se présentait, eau-de-vie, bétail, peaux, blé, porcs, et quand, par exemple, on demandait à l’étranger des pies pour les chapeaux de femme, Tsyboûkine