Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/184

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et écoutait des conseils. Le matin et le soir, pour tuer le temps, il allait à l’église. Il regardait les Images pendant des heures, sans prier ; il pensait. Sa conscience était pure et il s’expliquait sa situation par quelque erreur ou un malentendu. À son avis, tout venait de ce que le juge d’instruction et les autres fonctionnaires étaient jeunes et inexpérimentés. Il lui paraissait que si quelque vieux juge eût pu causer avec lui, âme à âme, et en détail, tout serait rentré dans l’ordre coutumier. Il ne comprenait pas les juges ; et les juges, lui semblait-il, ne le comprenaient pas…

Des jours passèrent encore, et enfin, après de longs et fastidieux délais, le temps du jugement arriva. Avdiéiév emprunta cinquante roubles, fit provision d’alcool pour sa jambe et de simples pour son estomac, et partit pour la ville où siégeait le tribunal.

L’affaire se prolongea une semaine et demie. Avdiéiév, tout le temps, resta assis au milieu de ses compagnons d’infortune, avec le sérieux et la dignité qui conviennent à un homme honorable, injustement accusé, écoutant et ne comprenant absolument rien. Il s’irritait, de ce qu’on le tînt longtemps en jugement, de ce qu’il ne pouvait trouver de maigre nulle part, et de ce que son défenseur ne le comprenait point, et ne disait pas, à son avis, ce qu’il aurait dû dire.