Page:Tchékhov - Salle 6, trad Roche, 1922.djvu/185

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Les juges aussi, lui parut-il, ne jugeaient pas comme il fallait. Ils ne faisaient presque aucune attention à lui, ne lui posaient que tous les trois jours une question, et ces questions encore étaient d’un ordre tel qu’en y répondant, Avdiéiév chaque fois excitait le rire du public. Quand il essayait de parler de ses pertes, et de son désir d’être remboursé de ses dépenses, son défenseur se retournait vers lui et lui faisait une grimace incompréhensible ; le public riait et le président déclarait que ce n’était pas la question. Lorsqu’on lui demanda s’il n’avait rien à ajouter, il ne dit pas ce que lui avait enseigné son défenseur, mais tout autre chose qui excita encore le rire…

Durant les angoissantes heures où le jury délibéra, Avdiéiév resta assis au buffet sans songer aucunement aux jurés. Il ne comprenait pas qu’on délibérât si longtemps lorsque tout était si clair, et il ne comprenait pas le besoin qu’on avait de lui. Il eut faim et demanda quelque chose de maigre et de bon marché. On lui donna pour quarante kopeks une espèce de morceau de poisson froid avec des carottes. Sitôt qu’il l’eut mangé, il le sentit aller et venir comme une lourde boule dans son estomac.

Lorsque ensuite il écouta le chef du jury lire les questions posées, ses entrailles se retournaient toutes ; une sueur froide mouillait son corps, et il